Massacre à Beslan
C’est le terrorisme impérialiste qui engendre
le terrorisme nationaliste

(«le prolétaire»; N° 473; Sept. - Octobre 2004)

 

Cet énième massacre de civils sans armes, de prolétaires et de fils de prolétaires est le signe de ces temps de crises politiques et sociales, de crises économiques et militaires dans lesquels s’aggravent toujours plus et de façon toujours plus violente les contrastes nationaux et impérialistes. La violence économique capitaliste se mêle progressivement à un militarisme toujours plus accentué et à des réactions bourgeoises de type terroriste qui ne dédaignent pas de frapper leurs adversaires jusque dans leurs capitales comme lors des attentats du World Trade Center, des gares de Madrid ou du Théâtre de Moscou.

Premier septembre 2004. Ossétie du Nord, région autonome du Caucase russe. Plus de 40 guérilleros tchétchénes liés au fondamentalisme islamique s’emparent par les armes d’une école dans la ville de Beslan et prennent en otage plus de mille personnes parmi lesquels de très nombreux enfants. Leurs revendications: retrait des troupes russes de Tchétchénie et libération de prisonniers politiques. La menace est de tuer les otages si les revendications ne sont pas satisfaites.

Moscou déclare vouloir avant tout sauver les otages et affirme exclure l’usage de la force. Mais il n’entend pas se retirer de Tchétchénie, pays stratégique pour la Russie étant donné qu’il est le lieu de passage de l’un des plus importants oléoducs qui relient la Caspienne et la Mer Noire. Il envoie sur place ses tristement célèbres Spetsnaz, les commandos des services secrets russes; les mêmes qui lors de l’occupation par des Tchétchénes du théâtre moscovite Dubrovka en octobre 2002 n’hésitèrent pas à envoyer des gaz mortels avant de lancer l’assaut, faisant 129 morts parmi les spectateurs pris en otage.

3 septembre 2004. Après que quelques otages qui tentaient de fuir aient été tués par les guerilleros, l’intervention des Spetsnaz se déchaîne; dans une véritable bataille incluant l’usage de chars pendant plus d’une heure l’horrible carnage s’accomplit: plus de 300 morts, presque 800 blessés...
 

Le terrorisme impérialiste


De Moscou, de Washington, de Tel-Aviv, de Paris et de toutes les capitales du monde dit «civilisé» se lève un seul cri: non au terrorisme, défendons la démocratie, la paix, la vie contre la barbarie du terrorisme international, les dirigeants russes ayant pris soin en outre de prétendre à la présence d’Arabes parmi les preneurs d’otages et de liens de ces derniers avec El Quaïda (si Al Quaïda n’existait pas il faudrait l’inventer! D’ailleurs, c’est ce qui a été fait).

Mais ce qu’oublient de dire tous ces démocrates impérialistes, c’est que le terrorisme a été et est toujours utilisé par les classes dominantes et par les Etats bourgeois y compris les plus «démocratiques» pour plier à leur volonté des populations ou pour s’emparer des richesses qu’ils convoitent. Le nombre des victimes civiles de la guerre menée par la Russie en Tchétchénie est estimé à 70.000; la torture y est couramment employée et les viols sont légions. Les atrocités de cette guerre s’ajoutent à une longue histoire de persécutions depuis l’époque de la colonisation sous le tsarisme jusqu’à la déportation de ces populations sous Staline.

Comment s’étonner que les nationalistes tchétchénes retournent ces méthodes barbares contre leur oppresseur et voient dans chaque russe, même enfant, un ennemi à abattre? Quelle légitimité ont les bourgeois occidentaux à s’indigner du massacre de Beslan, eux qui n’ont rien dit des massacres commis auparavant par les troupes russes contre les civils, et qui ont eux mêmes recours à la violence terroriste contre leurs adversaires et contre le prolétariat? Comment en particulier les dirigeants d’un Etat comme l’Etat français qui a la responsabilité d’innombrables victimes (du génocide au Rwanda aux massacres de la guerre d’Algérie et des autres guerres coloniales, pour rester aux dernières décennies) et qui n’a jamais hésité à réprimer dans le sang ses propres ouvriers pour maintenir la domination de la bourgeoisie, a-t-il le front d’entonner le même couplet?

En agitant la menace de la barbarie terroriste, les dirigeants des grands Etats bourgeois non seulement cachent leurs propres crimes impérialistes, mais veulent présenter à la classe ouvrière et aux exploités leur condition présente d’esclaves salariés comme un privilège à défendre face au danger et au chaos extérieurs. Ce n’est pas par hasard que les campagnes anti-terroristes conduisent à désigner chaque fois comme terroristes potentiels les fractions les plus exploitées, les plus discriminées des classes dites autrefois «dangereuses», du prolétariat: les arabes en France, les «noirs» en Russie (appellation des caucasiens), les immigrés illégaux aux Etats-Unis, etc.
 

La démocratie, masque du terrorisme bourgeois
 

La campagne de propagande en défense de la «démocratie» - cette moderne religion du capital - et contre le «terrorisme» a pour but d’enrégimenter le prolétariat derrière la défense des intérêts nationaux spécifiques de leur bourgeoisie. C’est au nom de la démocratie que le gouvernement américain a fait accepter sa guerre actuelle contre l’Irak, comme celle hier au Vietnam; c’est au nom de la démocratie qu’a été menée la deuxième guerre impérialiste mondiale contre l’Allemagne et ses alliés. La démocratie est la forme supérieure de la collaboration des classes, autrement dit de la subordination des intérêts ouvriers à ceux bourgeois; elle donne aux capitalistes la plus grande facilité de faire admettre par les prolétaires qu’ils se doivent défendre les intérêts bourgeois (de l’entreprise, de la nation ou de l’Etat) en acceptant de se sacrifier pour eux: elle permet donc à la voracité, au pillage et au terrorisme capitalistes d’atteindre des sommets avec un minimum d’obstacles.

De l’autre côté, les campagnes islamiques contre la dégénérescence de la consommation et du mode de vie en Occident ont la même fonction envers les classes laborieuses dans les pays où la religion islamique joue le rôle de ciment interclassiste autour des intérêts des fractions bourgeoises locales contre leurs concurrents en particulier occidentaux.
Face aux campagnes de haine nationaliste qu’alimentent les bourgeois pour utiliser les prolétaires comme masse de manoeuvre ou chair à canon en défense de leurs sordides intérêts capitalistes, il n’y a qu’une réponse pour les ouvriers de tous les pays: opposer l’action de classe en reconnaissant dans les prolétaires des autres pays leurs frères de classe avec qui combattre la classe dominante et avant tout «leur» propre classe dominante.

 

Pour l’internationalisme prolétarien

 

Il faut en effet être clair: les appels à l’union internationaliste par delà les frontières ne peuvent que rester incompris et passer même pour de l’hypocrisie, s’ils ne s’accompagnent pas d’une dénonciation de l’oppression et des méfaits de sa bourgeoisie, et d’une solidarité sans faille avec les luttes des prolétaires du pays dominé contre cette oppression. C’est la condition pour que ces derniers puissent rompre à leur tour avec leur propre bourgeoisie et le nationalisme qui présente toute la population du pays dominant comme responsable ou complice de cette domination. Tant que les prolétaires de Russie n’entreront pas en lutte contre les crimes commis par les troupes russes en Tchétchénie et pour le retrait de celles-ci de ce pays, il sera facile aux nationalistes tchétchénes de présenter les attentats contre les simples civils comme un moyen légitime de lutte.

La rupture de la solidarité interclassiste nationale et l’entrée en lutte ouverte contre la classe dominante, son système de production et son Etat, est une nécessité si les travailleurs veulent cesser d’être éternellement victimes des affrontements bourgeois. Il n’a jamais été facile pour les prolétaires de surmonter les effets délétères de l’idéologie bourgeoisie, que ce soit dans la version laïque de la démocratie ou dans la version religieuse de la théocratie, et les effets encore plus dévastateurs d’une longue pratique de collaboration entre les classes. Mais rejeter l’union sacrée avec la bourgeoisie est la seule solution qui permette au prolétariat de cesser d’être seulement de la chair à canons ou à bombes en lui faisant regagner son indépendance de classe, sa capacité de lutter contre les lois du profit, de la concurrence, du capitalisme, pour une société qui ignore l’exploitation et l’oppression, les frontières et les nations!
 

 

Particommuniste international

www.pcint.org

 

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